fuck you too ft. alissa

“Tu fous quoi” envoie-t-il. Pas de réponse. Ame a le don pour ne pas être disponible quand il faut. L’ennui le prend avec force, comme démontré par son pied qui vient taper de façon répétitive le dossier du canapé. Allongé de tout son long, les petons à l’air, débardeur blanc et sweatpants, il observe avec morosité la nuit tomber, par la baie vitrée qui fait la moitié de son appartement. Personne ne répond à ses messages. Pas ceux auxquels il pense, en tout cas. Il relit le dernier SMS d’Alissa. fuck you too. quelle tarée pense-t-il en se redressant. Il y a des gens qu’il ne comprend pas. Il refuse toute responsabilité en rejetant la faute sur qui est disponible, et puis de toute façon, il n’a pas signé de contrat stipulant qu’il était obligé d’être à fond et disponible 24h/24 juste parce qu’il lui a accordé un minimum d’intérêt. Il n’a pas que ça à faire. Et si elle ne veut plus lui parler, tant pis, il vivra très bien. Des filles canon il y en a au mètre carré, et elles ont le don de s’agglutiner au pas de sa porte. Il tente de rejeter la frustration, qui ronge l’arrière de son crâne sans ménagement, et se distrait en enfilant une tenue. Qu’importe. Si personne ne veut sortir, il sortira tout seul, et trouvera compagnie sur place. Tout de noir vêtu, il glisse son portable dans la poche arrière de son pantalon (non sans vérifier une dernière fois qu’Ame n’a pas donné signe de vie), et verrouille son appartement. Un taxi hélé plus tard, Shibuya se profile devant ses yeux, et il enfile des lunettes de soleil avant d’ouvrir la porte. Il sera reconnu, peut-être photographié. Mais dans les boîtes de luxe, qu’il fréquente presque exclusivement, la clientèle a mieux à faire que de fangirler sur un acteur. Tout le monde a des billets qui tombent des poches et semble obnubilé par sa propre personne, même dans les affres de leur jeunesse. Il entre dans le club, calme, remonte aussitôt les lunettes dans ses cheveux, récupère un verre et observe de loin la foule suintante, des corps qui frottent sans aucune pudeur. Un demi sourire lui monte au visage, de retrouver un milieu qui lui est familier, mais au lieu de s’y mêler, il se met d’abord à l’écart, sur une banquette, pour siroter son alcool.

Ses yeux glissent, d’épaule en épaule, de coiffure extravagante à maquillage outrancier, de vestes à chaussures aux marques avérées. Et il la voit. Visage poupin illusoire, paravent d’un esprit prêt à tous les vices. Fuck her, et pourtant il se lève, mû par un ennui qui lui prend les jambes, d’avoir été assis à rien faire plus de cinq minutes. Elle ne l’a pas vu, elle regarde autre part, parle peut-être à quelqu’un d’autre, il n’en a cure. Il vient poser une main sur son épaule, un air désolé vient prendre place sur son visage “Tu tiens le coup ?” Il se moque, de son comportement qu’il juge extrême, de façon plus qu’hypocrite.

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Dernier message : 11 :00. C’est la cinquième fois que tu regardes ton téléphone, et comme les quatre fois précédentes, tu sens ton sang bouillir, ta main qui se crispe d’elle-même sur l’appareil. Pour qui il se prend celui-là ? De quel droit il t’envoie valser comme la bonne de la famille ? C’est toi qui ignore, et pas le contraire. Derrière cette colère, derrière ce rouge qui colore ta vue et brouille ton bon sens, il y a un sentiment d’humiliation qui te serre le cœur, qui vient simplement attiser cette furie aveuglante. Et voilà tes doigts qui glissent sur l’écran, deux mots qui se forme avec précision, porteur de tous ces sentiments qui se mêlent dans ta petite tête : fuck you. Tu appuies sur le bouton envoyé avant de jeter ton téléphone au bout de ton lit, alors que la musique qui accompagne l’envoie du message résonne dans ta chambre. Presqu’immédiatement tu as envie de le supprimer, de retourner cinq secondes dans le temps pour ne pas envoyer ce satané message. Tu es toujours en colère, mais cette impression d’avoir perdu à votre petit jeu te laisse un arrière-goût amère dans la bouche. Tu jettes un regard noir au pauvre téléphone qui ne t’as jamais rien demandé avant de quitter ton lit. Tes pas résonnent alors que tu fais ton chemin vers la salle de bain, prête à oublier ce connard avec un bon bain, bath bomb dorée, chandelles relaxante et musique d’accompagnement.

Tu en émerges un peu plus d’une heure plus tard, zen, relaxée, toutes pensées concernant l’acteur rangées à nouveau où elles se devaient d’être : hors de ton esprit. Tu te saisis de ton téléphone pour voir les messages qui se sont agglutinés sur l’écran pendant ton instant de réclusion, et un sourire vient s’installé sur tes lèvres alors que les choix pour ta soirée sont multiples. Ton téléphone est abandonné une fois de plus sur le lit alors que tu te prépares à sortir. Pas loin d’une heure supplémentaire passe avant que tu ne sois satisfaite du résultat : cheveux légèrement ondulés, maquillage naturel et robe rouge moulant ton corps à la perfection tout en laissant tes épaules dénudées.

Si l’envie était d’impressionner, d’attiser le désir et la jalousie des hommes et des femmes, le résultat était des plus satisfaisant. L’esprit alléger par l’alcool, voilà que tu virevoltais de corps en corps au rythme de la musique. Petit papillon écarlate butinant de fleurs en fleurs, impossible à retenir, impossible de se l’accaparer. Une main qui se pose sur ton épaule, et voilà que tu te retournes, t’attendant à voir le visage d’une amie et non pas d’un ancien prétendant. Le coin de tes lèvres tombe légèrement, rapidement remplacé par un sourire hypocrite, si rapidement que l’on pourrait croire à une illusion. « Pardon ? Je te connais ? » que tu lances d’une voix mielleuse alors que ta main aux ongles acérées vient retirer la main de ton épaule. C’est puéril, c’est enfantin. Tu sens le rouge de la honte qui te monte aux pommettes, mais tu n’as pas l’intention de perdre cette fois-ci.

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Il n’a pas réfléchi, et ne s’attend à rien. Guidé par des idées, des impulsions qui apparaissent aussi vite qu’elles ne meurent, des situations de ce genre s’imposent souvent à lui, peut-être même contre son gré le plus profond. Mais il est là. Les doigts posées sur son épaule, nue, la couleur rouge de la robe qui la pare visible malgré les faibles éclairages. Elle a l’air d’une femme et d’un enfant, tout à la fois. Elle tourne le visage, et le sourire qui la pare lui fait retrousser le nez. Il pue le faux et il s’assume : Kyo le connaît bien assez pour l’utiliser assez fréquemment dans sa vie de tous les jours. Elle ne dit ou ne montre rien qui pourrait confirmer ses pensées, mais il a l’impression que sa fierté mal placée l’oblige à se comporter ainsi. She cares, se dit-il, amusé par la tournure de la situation. Lorsqu’il n’a plus répondu à ses messages, il n’y a pas pensé à deux fois. Ce n’était pas un plan pour vérifier si ça lui ferait quoi que ce soit, ou l’envoyer dans une quelconque rage. Kyo est comme ça. On ne sait pas pourquoi il fait certaines choses, pourquoi il passe au dessus d’autres. Ses choix semblent guidés par un lancer de dé invisible. Elle pousse sa main et son sourire s’agrandit. Malgré lui, ses entrailles s’agitent de voir son comportement, immature, puéril, tout à fait délectable pour le deuxième joueur. Son regard glisse sur ses traits, et un léger rire sort d’entre ses lèvres. “Il me semble bien” dit-il, sans se laisser décontenancer. Au final elle ne le connaît pas, pas du tout, l’idée qu’elle a de lui seulement construite de messages échangés, de rendez vous annulés, de flirt atrophié. “Tu es affreusement violente envers les inconnus, Alissa. J’ai failli en briser mon écran” lance-t-il moqueur, en mentionnant de manière détournée son dernier message. Tombé dans l’oreille d’un sourd ? Aucunement. Mais il ne lui laissera pas la satisfaction de voir une quelconque marque de faiblesse dans son visage, dans ses mots. Il en fuirait, de perdre contrôle de la situation. Il élance ses doigts vers son poignet, prêts à l’attraper, craint qu’elle ne crie au violeur dans une folie du moment, voit déjà les titres. Il se retient, frustré, esquisse une micro grimace avant de soupirer. “Tu as l’occasion de m’insulter de vive voix, pourquoi ne l’attrapes-tu pas ?”

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Les corps qui se pressent contre le tien changent, et se mélangent, tous aussitôt remplacé par le prochain, par la prochaine. Hommes et femmes se succèdent au rythme des notes qui te vrillent les tympans, et pourtant, l’ennui est là, qui se fraye un chemin dans le creux de ton ventre. L’alcool s’estompe, la lucidité te revient, et tu ne veux qu’oublier, passer à quelque chose, profiter de la vie d’abus qui vient avec tes privilèges. Et alors que tu penses à aller te chercher un nouveau verre, à faire partir cette voix dans ta tête qui te nargue sans cesse, le voilà qui arrive comme la cerise sur le gâteau, comme si le monde lui appartenait. Le plus énervant c’est qu’il brille quasiment dans cette marée d’insipides et tu ne peux même pas blâmer la liqueur. Tu aurais presque pu lui pardonner, au moins l’histoire d’une soirée. Sauf qu’il fallait qu’il l’ouvre et qu’il vienne te gâcher le peu de plaisir que tu avais. Ton sourire, perfectionné suite à des années de pratique reste en place, mais tes dents grincent, le feu de l’humiliation qui brûle en toi, menaçant de te consommer constamment. « C'aurait été malheureux, heureusement que tu as su te contenir. » que tu réponds du tac au tac sans laisser ses mots t’entrainer dans son jeu. Tu ne sais pas ce qu’il a en tête, telle est la conclusion à laquelle tu es finalement arrivée après des semaines à jouer au chat et à la souris. Tu ne sais pas s’il est intéressé, s’il fait simplement se jouer de tout ou s’il ne sait pas ce qu’il veut. Ce que tu sais, c’est que tu en assez de jouer avec lui. Et lorsqu’il t’interroge, les premiers mots empreint d’une certaine sincérité quittent finalement tes lèvres. À moitié sincère, à moitié lancé par dépit, les mots franchissent tes lippes teintes de vermeille : « Parce que j’ai mieux à faire. Parce qu’il y a des gens qui n’attendent que ma présence. » Et tu te retournes vers le jeune homme avec qui tu dansais avant d’être interrompue, agite tes doigts dans un salut qu’il te rend immédiatement. Tes prunelles viennent se poser dans celle de l’acteur alors que tu reprends la parole :  « Tu m’excuseras, mais j’ai un verre qui m’attend. but good talk. » Et te voilà repartie dans la foule, au bras d’un wannabe mannequin qui flambe ses économies dans cette soirée vaine, la tête pleine de rêve et le compte en banque qui coule à flot. Et malgré la stupidité de cette pensée, tu ne peux t’empêcher d’espérer au plus profond de toi qu’il n’abandonnera pas pour si peu, que son intérêt pour toi n’était pas que des paroles en l’air.

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Il sait qu’elle ne cèdera pas. La déception n’en serait que trop grande, et il n’aurait alors plus aucune raison de s’accrocher. Elle répond sur le même ton, et son demi sourire ne faiblit pas. Amusé. Joueur. Aucunement prêt à la laisser partir, et à continuer sa soirée les yeux plongés dans ceux d’une autre, les mains autour d’une autre taille. Il sait que c’est précisément ce qui la rend dans tous ses états, il sait aussi combien ce comportement, aussi insupportable qu’il soit, peut se révéler addictif. Il se lasse vite. De tout. De rien. Laisse sur le côté ce qui ne lui est plus d’intérêt, oublie, et cela vaut autant pour les choses que pour les gens. La seule façon pour lui de garder l’excitation vivante, l’euphorie de la nouveauté, est de danser, sans jamais donner certitude à sa partenaire du prochain mouvement à emprunter.

Elle se retourne. Détache son regard. Et son expression s’affaisse un peu, de la vexation de quelqu’un qui ne supporte pas le rejet. Il ne voit rien de faux dans sa déclaration. Aucun homme dans cette salle ne dirait non, et nombreux viendraient lui lécher les pieds pour un minimum d’attention. L’idée le dégoûte. Il la sent à peine partir, s’éloigner, reste figé, les doigts se refermant sur du vide. Il se mord l’intérieur de la joue, un peu trop fort. Un goût ferreux se dépose sur sa langue, et il déglutit difficilement. Se retournant, il l’observe s’éloigner au bras d’un homme, ne la suit pas, se dirige vers le bar pour prendre un deuxième verre. Ecarter sa fierté. Se reprendre. Il se sent pris à son propre jeu C’est elle qui fuit à nouveau, et s’il devrait vite l’oublier, au bras d’une des filles aux hanches plantureuses qui pullulent sur la piste de danse, le goût, amer, reste au fond de sa bouche.

Sa consommation arrive. Il l’avale, d’un trait. En tournant le regard, il la voit encore, toujours plus loin. Dans cette robe, il n’est pas difficile de la repérer. Il se dit que ce n’est que les vêtements. Rien d’autre. Ses mains trouvent l’intérieur de ses poches, d’un air décontracté dont il se pare, et ses pas le mènent, lentement, vers le couple éphémère. Arrivé près d’Alissa, il glisse sa main autour de son poignet, se penche vers elle, laisse son souffle effleurer son oreille. “Elles te satisfont ? Those empty shells ?” murmure-t-il avant de raffermir sa prise autour de son bras. Il vient la regarder. “Tu es belle” annonce-t-il, avant d’ajouter “Et je suis con.”

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Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis. Push and pull. Le chat et la souris, puis les rôles qui s’inversent. Telle est la relation que vous entretenez depuis les premières étincelles, depuis que vos regards se sont croisés, une soirée pas  si lointaine en tout point semblable à celle-ci. Le jeu est agréable, la poursuite, la fuite, les hauts et les bas, mais tout jeu est éphémère. Il se doit d’y avoir une conclusion et seulement deux possibilités s’offrent : gagner ou perdre. Alissa, tu as toujours aimé jouer, mais seulement lorsque tu gagnes. Perdre n’a jamais été un mot que tu appréciais, le sentiment l’accompagnant encore moins. Et dans le jeu de la passion, dans ce tango que vous dansiez avec Kyo, tu avais toujours été imbattable. C’était la première fois que quelqu’un arrivait à te tenir tête et s’il y avait quelque chose d’indéniablement attirant à cela, tu vivais mal tes échecs, tes pertes, tes batailles perdues. C’est sans doute pourquoi tu y allais aussi fort ce soir, parce que tu voulais gagner la guerre pour te venger d’avoir perdu des batailles. Alors tu l’abandonnes sur la piste de danse, risquant gros, pour gagner gros, du moins tu l’espères. Tu jettes un petit regard par-dessus ton épaule et tes lèvres s’étirent alors que l’image de ton adversaire figé, l’expression peinée, se grave dans ton esprit.

La pièce de remplacement t’entraine vers le bar, et plus les minutes passent, plus tu regrettes d’avoir choisi cette jolie enveloppe au contenu des plus ennuyeux. Il parle sans cesse, ses lippes ne s’arrêtent pas de bouger, et tu ne sais même plus ce qu’il raconte, ses mots entrant d’une oreille avant de sortir de l’autre. Le coin de tes lèvres s’affaisse lentement alors que la sobriété commence à te rattraper, la présence du mannequin de plus en plus difficile à supporter. Tu commences à désespérer, à te dire que tu l’as fait fuir, qu’il a préféré se perdre dans les courbes d’une bimbo plus facile. Tu sais que ce serait loin d’être une tâche impossible pour lui, mais une main vient enserrer ton poignet et sa voix résonne, son souffle venant provoquer un frisson le long de ta colonne. Le sourire revient s’installer sur le carmin de tes lèvres alors qu’il s’immisce dans ton champ de vision, apollon du petit écran japonais. « Enfin quelque chose sur laquelle on s’entend. » Le ton est moqueur, presque complice alors qu’un petit rire te secoue. De ta main libre, tu viens replacer légèrement son haut avant de continuer : « J’ai grandement besoin d’un verre, tu me l’offres ? ». Aucun regard lancé au mannequin abandonné, coupé dans son élan par la star de cinéma. Aussitôt désuets, inintéressant alors que le clou de la soirée s’est présenté, alors que le premier prix est entre tes mains parfaitement manucurées.

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Les cartes en main. Elle pourrait lui rire au nez à nouveau, le repousser, et choisir de passer le reste de sa soirée avec l’homme qu’elle a choisi plus tôt. Il se prépare à l’amère déception, la frustration qui le rongera le reste de la nuit, et sa fierté ecrasée. Heureusement, au sourire qui se profile sur le visage de la jeune femme, il sait qu’il a bien fait, pour une fois dans sa vie. Il souffle doucement en sentant ses doigts effleurer son haut, et tente de ne pas afficher trop explicitement sa jouissance face à la façon dont elle a abandonné sa compagnie aussi rapidement, pour lui. Il acquiesce à sa question, passe son bras autour du sien pour enlacer son coude, et la mener vers une des banquettes où ce sont les serveurs qui se déplacent pour les commandes. Il la laisse se glisser sur le cuir, avant de s’asseoir à ses côtés. Il suffit de lever un bras pour qu’une serveuse accourre. Kyo la laisse demander ce que son coeur en dit, et commande un Old Fashioned, considérant être encore loin d’avoir ingéré assez d’alcool pour se mettre dans une position compromettante.

Il vient poser son coude sur la table, vient poser sa joue dans sa paume ouverte et vient la regarder. Un demi sourire lui monte sur le visage. Il laisse son regard filer le le long de ses épaules, de ses clavicules. Il serait un affreux menteur de dire qu’il ne lui fait aucun effet. Le désir monte au creux de son ventre, et s’il ne tente aucunement de le cacher dans son regard, il sait se retenir pour ne pas faire de geste qui la ferait fuir définitivement. Ses autres doigts tapent sur la table qui est face à eux. “Je t’ai manqué ?” demande-t-il, amusé. D’un ton conscient du caractère insupportable de sa question, avec assez de recul pour observer les clichés droit dans les yeux et les tourner en dérision d’une façon peu subtile. Il laisse une expiration lui échapper. Il regrette d’être ici. Avec ce monde autour, la musique, le bruit. Il pointe finalement un doigt vers le plafond. “Tu ne veux pas prendre une salle privée ?” Quel bon établissement de luxe sans salles pour boire sans se mêler à la foule. Il ne demande pas ça avec une intention derrière la tête, qu’elle le prenne comme elle le veut, même si avec une autre, il n’aurait pas tourné autour du pot. Là, c’est différent. Il ne saurait exactement déterminer pourquoi, mais il sait mieux que de s’abandonner à des instincts qui la feront partir sans se retourner. Un peu plus de subtilité. Faire monter la frustration dans leurs deux corps. Il sait qu’il ne lui est pas indifférent. Sinon elle ne serait pas là. Sinon elle ne lui aurait pas envoyé ce message. Il pince les lèvres et remonte son regard vers le sien, alors que les verres arrivent sur la table. Il retient la serveuse et attend la réponse. "En tout bien tout honneur" sauf si tu en décides autrement

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Ses bras viennent t'enlacer, enserrent ton corps alors qu'il t'entraine à travers la foule, et ton coeur est apaisé. Tu as l'impression d'être au bon endroit, d'être exactement là où tu devrais l'être, et tu peines à contenir les sourires qui tirent tes lèvres vermeilles vers le haut. Toi qui arrive pourtant à tenir ton expression peu importe ce qui se passe, te voilà aux prises avec un sourire trop grand, trop sincère. Heureusement, ton partenaire est occupé à vous frayer un chemin au milieu des corps dansants, foule qui te semble de plus en plus étrangère bien que tu t'y mêlais comme s'il s'agissait de ton royaume moins d'une heure plus tôt. Tu t'installes sur la banquette qu'il a su vous dénicher, heureuse de pouvoir te poser un instant, encore plus heureuse à l'idée d'enfin tremper tes lippes dans un breuvage alcoolisé. À peine sa main s'élève, couverte par les néons multicolores, qu'une serveuse s'approche pour prendre vos commandes. Le coin de tes lèvres s'étirent légèrement alors qu'il te prouve une fois de plus à quel point il est supérieur à toutes ces autres coquilles vides sur la piste de danse.

Vos regards se croisent au-dessus de la table, le désir à peine voilé dans le sien réfléter avec un peu plus de modération dans le tien. Tu as accepter de passer la soirée avec lui, mais tu ne lui as pas totalement pardonné l'affront du message texte. Son regard glisse le long de ton cou et tu t'amuse à repousser tes cheveux ébènes derrière ton épaule pour lui offrir une meilleure vue. Tu copies sa position, te penchant légèrement vers l'avant ce qui a pour effet de découvrir légèrement ton décolleté. Gestes parfaitement calculés à l'image de douces coincidences, de quoi attiser le désir et accaparer son attention. « J'y réfléchis encore. » S'il était si facile de te tirer la vérité du nez, il n'y aurait plus aucun défi, plus aucun jeu. Et il va sans dire que l'intérêt, d'un côté comme de l'autre disparaîtrait rapidement, remplacé par de l'ennui. Amusée, tu abandonnes ta position, venant plutôt t'adosser contre la banquette. Ses lèvres bougent à nouveau, mais le son se perd dans le climax de la chanson qui vous vrille les tympans. Son doigt pointant vers le plafond ne t'a cependant pas échapper et en habituée de ce type d'endroit, tu arrives à aligner les éléments. Tu n'as pas le temps de répondre que vos verres arrivent. Tes doigts enserrent le tien et tu le vides cul sec, la brûlure de l'alcool dans ta gorge qui t'apaise, qui fait taire les voix mesquines dans ta tête. « Nous allons prendre une salle privée et un bouteille de votre meilleure tequila. » que tu annonces finalement en te levant, offrant son verre à ton partenaire de la soirée. La nuit était encore jeune et d'innombrables conneries attendaient d'être posées. Ton bras vient enlacer le sien comme il l'avait fait un peu plus tôt alors que tu l'entraines à la suite de la serveuse vers votre salle, votre royaume jusqu'aux lueurs du petit matin.

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Il sait à quel point ses gestes sont calculés. Il est maître dans l’art, fait partie de ceux qui se dissocient pour se regarder de loin, faire attention et regarder ce qu’ils font plus qu’à le vivre. ça lui pèse, d’une certaine façon : car dans ce jeu qui s’établit entre eux, il manque de spontanéité et il a l’impression de répéter des phrases dites cent fois, de bouger dans un automatisme depuis longtemps acquis. L’ennui s’installe rapidement. Il ne fait jamais défaut celui là, hein ? Et à chaque fois qu’il se pose quelque part, l’envie d’y échapper arrive rapidement. Heureusement, elle prend son invitation sans faire de chichis, et le seul fait de pouvoir tendre ses jambes à nouveau envoie une vague d’apaisement à travers ses membres. Il lui en faut peu pour se sentir enfermé, entravé, mais il ne doute pas qu’après cinq minutes dans la pièce en haut, il aura envie d’y échapper pareillement. Il se laisse tirer, vaguement frustré du fait d’être entreloqué contre son gré dans cette étreinte, et la frustration monte dans son ventre d’une envie de fuir qui pointe souvent son nez par dessus son épaule. Elle n’est pas bien différente après tout. Il sait que lorsqu’il regagnera ses draps et fermera les yeux, le vide sera tout aussi présent.

La serveuse pousse la porte, pose la bouteille sur la table, les verres, leur informe qu’ils peuvent utiliser le téléphone pour faire la demande de quoi que ce soit dont ils auraient besoin et s’excuse dans une courbette. Kyo laisse son regard filer le long de son visage et de son corps avant qu’elle ne file, c’est qu’elle est sacrément jolie. Il en oublie sa compagnie un instant et libère son bras, s’assoie sur la banquette avec un soupir et sans un regard pour Alissa, il se verse un verre. Il semble l’avoir oubliée, tout à nouveau. Les efforts évanouis d’un claquement de doigt, il préfère se concentrer sur le liquide qui vient brûler sa gorge. Son regard s’égare. “Tu n’en as pas marre ?” finit-il par demander en relevant son regard vers elle. Qu’elle en comprenne ce qu’elle veut. Il n’a pas envie de lui mettre les mots dans la bouche, ou de lui donner la marche à suivre pour lui donner une réponse qui le contentera. Il sait déjà que ce qu’elle lui sortira ne le satisfera pas. Mais après tout, dans la vie, la surprise est à tous les coins.

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