一寸 tes courbes et mes couleurs

ft ♡ libre tant que t'es une nana

nuit noire. chambre à deux. pourtant, l'ambiance est tamisée, feutrée, douce, voluptueuse. aux murs, pendent de longues et lourdes tentures en velours grenat. au sol, de grands tapis foncés aux décors d'arabesques et de fleurs s'entrecroisent et se chevauchent. un parfum capiteux plane. ça sent le bois, l'ambre et l'encens ; ça sent la nuit lilas, ça respire les volutes de fumée enroulées autour de leurs jambes, célestes et drapées d'un manteau de particules éphémères, s'élevant dans l'air à la simple et unique force de leur imagination. de son imagination.
colorées à la main, les bougies au fond de la pièce éclairent de leur flamme les pupilles sombres et reposées de l'artiste. certaines arborent des nuances chaudes, d'autres arc-en-ciel et teintées d'un rouge vif édulcorant lentement mais sûrement ses songes. elles font briller l'âme, font fondre la cire, décuplent les instincts quintessenciés du dessinateur avisé. elles sont là, omniprésentes, énigmatiques et confèrent à l'atmosphère ombragée de la pièce cette dimension de rêve flou et évasif, dont on ne saurait s'évader une fois plongé en plein dedans. flambeaux souverains, ils gouvernent en silence ; somptueux cierges, complices de l'encens exhalant qui fait rougir d'un désir sensuel et artistique le prince de son pinceau.
ledit artiste se tapit dans l'obscurité de cette chambre, instrument bariolé de couleurs entre deux doigts. de ses lèvres ruisselle cette sorte de fascination permanente, inaltérable et bleue des merveilles qui l'entourent. de ses long doigts fins et inhabituellement blafards de netteté, il trace le fruit sulfureux de ses pensées sur la toile qui lui fait face, à seulement quelques mètres de sa présence et posture en tailleur. de sous ses paupières, parfois tournées vers l'objet de son attention pour cette nuit, surgit de temps à autre cette flammèche si particulière, autant provoquée par l'éclairage environnant que par sa contemplation semblable à celle d'un prédateur.
prédateur qu'il n'est pas, spectateur qu'il demeure, éternellement assigné à ce rang de voyeur et de témoin au regard tacheté de couleurs et de fibres d'ardeur.
plus loin, la nymphe de sa soirée a suivi ses envies et ses instructions. nimbée de lumière à travers l'obscurité, féline dans la plus parfaite des vénustés, elle projette cette attitude délicate, semblable à celle d'un pétale lilas de chine : peau surmontée d'une fine pellicule argentée, bouche alanguie peinturlurée de pourpre, regard surmonté de braises duquel le jeune homme en extrairait presque les roches magmatiques d'un volcan en effusion. sur son épaule gauche dénudée, une fibule d'or retient la tunique de soie translucide, qui révèle ses formes à la fois délicates et aguichantes. elle est florale, de porcelaine, de toute beauté dans ce climat si intense et particulier.
et elle pose pour issûn, l'issûn comblé, l'artiste aux orbes esseulées en dévisageant la dame de volupté.
« tu me rappelles la princesse-fleur qui engendre et provoque la vie terrestre, dans la mythologie japonaise. konohana sakuya-hime. » commença le peintre aux rêves irisés, en se parant d'un second pinceau améthyste. « j'en ai le même effet de procuré. » souligna-t-il alors sur une pointe de mystère, un sourire naissant au creux de ses commissures. il voulait la dessiner là, pas après, ni  même demain : ici, maintenant, ce soir.