tenue ++ « T’es dans ta haine, j’suis dans ma peine. Tu sors du flouze, moi la partouze ! J’suis un riatch, toi une biatch ! Le roi du monde, dans ton pieu immonde… » Keishi écoutait d’une oreille quasiment sourde les enchaînements de mots dénués de sens de cet artiste raté. Non, on ne devrait même pas le nommer comme tel, c’était une abomination. Le fait qu’il se trouve dans un bar miteux n’était pas une bonne raison pour que le divin humain accepte d’écouter de la déchéance musicale. D’habitude, ici, il y avait cette belle femme à la voix de sirène, Fumi qu’elle s’appelait. Elle, cette douceur à la voix pécheresse, qui emportait tous les hommes du navire vers la folie. Mais Keishi, quand elle chantait, n’avait pas envie de se la jouer Ulysse, il voulait faire comme tous ces marins, se jeter à ses pieds, et se noyer dans l’eau qui l’entourait. Elle était artiste, elle.
Le cerveau bousillé par cet afflux d’eau ambrée, d’un élixir aux pouvoirs maléfiques, Keishi laissa sa tête se pencher sous le poids de l’ennui. Ennui mortel, qui lui rappelait sa condition d’humain. Ennui qui lui rappelait, comme Pascal aimait tant à dire, qu’il était destiné à mourir, lui, qui se croyait plus haut que tout. Bercé dans son illusion, conscient de se rêve éveillé, il se piégeait seul, se faisait son propre cerbère, préférant la servitude noire que la liberté trop éclatante. De toutes manières, la lumière était tout aussi factice que l’obscurité : Keishi vivait dans le mensonge, depuis sa naissance. Né pour hériter, il n’avait d’autre fonction. Jamais enfant, jamais dans le présent, toujours projeté. L’agacement pointant le bout de son nez, le faux serein saisit son téléphone pour envoyer un sms à Caelan. Pourquoi lui ? Parce que. Caelan, son modèle inavoué, cette beauté autoritaire aux traits d’Apollon, Keishi voulait le voir, l’embêter, se sentir rassuré pour on ne sait quelle raison. « Rapplique, j’suis entrain de mourir. Amour sur toi. » écrivit-il avec le nom du bar en signature. Caelan allait se douter que son ami était dans un état peu sobre et Keishi en était certain; il allait rappliquer.
Et l’héritier avait raison, il n’eut même pas à attendre longtemps – ou c’était plutôt que sa notion du temps l’avait lâchement abandonné. Alors qu’il laissait ses pensées s’affronter dans des ras de marée incessants, Keishi sentit la présence de son ami proche de son frêle corps. Alors machinalement, il se colla à lui, se blottit dans ses bras, silencieusement. Sa tête se cala contre le torse musclé du plus âgé. Keishi était tactile. Keishi était fait. « T’es trop vieux, t’as mis mille ans. » Mensonge, il n’en savait rien, il s’en fichait en réalité mais il fallait juste qu’il engage la discussion parce que pour une fois, le silence le pesait, comme à chaque fois qu’il était saoul. Néanmoins il n’aimait pas entendre le son de sa voix malsaine, il fallait que celle de Caelan la surplombe pour rendre cette atmosphère que l’héritier s’était créée respirable. « Fais-le taire… » Geignit-il d’une voix presque effacée. Il n’en pouvait plus de ce pseudo-artiste slameur ou rappeur de mes deux qui enchaînait mot sur mot sans une once de poésie.
electric bird.
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Mer 25 Mai - 18:59
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When Earth is drunker than us keishi & caelan.
tenue ++ Le voilà qui se tient là, droit et fier, dans toute sa superbe et sa puante outrecuidance. Le menton haut et les sourcils froncés, attendant presque patiemment qu'on lui accorde l'attention qu'il estime mériter. Bien loin de s'imaginer qu'il n'en mérite aucune. Il n'est pas attendu, il n'est pas même le bienvenu. Dans un effort presque digne, il se racle la gorge et patiente quelques secondes de plus, comme si c'était foutrement suffisant. Un regard agacé lui est adressé, mais lorsque aucune parole ne suivent, il sort finalement de sa transe faraude et vient s'assoir face au bureau. Peu soucieux qu'il n'y ait jamais été invité. Peut-être aurait-il pu l'être dans d'autres circonstances. S'il n'avait pas été un père médiocre et un plus mauvais mari encore, peut-être aurait-il, un jour, eu la chance de partager avec l'ainé de ses fils des moments complices. Ou tout du moins amicaux. Mais cet échange, comme tout ceux qui eurent lieu ces dernières années, n'aura rien d'affectueux. On utilisera le moins de mots possible, le ton de la conversation jamais au delà d'une cordialité forcée et factice, comme s'il n'était pas simplement eux deux, comme s'il y avait encore la moindre illusion à protéger. Père et fils sont une relation sacrifiée sur l'hôtel d'un mariage parti à la dérive et personne ne peut plus rien y faire. Ou plutôt personne ne veut plus rien y faire. Caelan le premier. Flottant à la surface d'un fleuve d'amertume, son esprit s'échauffe à une vitesse fulgurante, le barrage de sa patience prêt à céder face à une aigreur qui, à l'époque, pouvait le laisser épuisé et pantois. S'il n'avait pas été un père médiocre et un plus mauvais mari encore, peut-être Caelan n'aurait-il jamais eu à détester l'homme qui lui a pourtant tout donné, fier d'être le reflet de son père.
Il est trop bien sapé pour les lieux et malgré tout il se fond presque parfaitement dans le décor. La mine sombre et renfrognée, les iris brillantes d'une colère à peine contenue, il n'a pas plus fière allure que les âmes errant dans ce bouge. A cette heure-ci on ne trouve que ceux que la vie a laissé sur le bas côté et peut-être est-ce pourquoi il oublie sa mauvaise humeur pour laisser place à une légère inquiétude lorsqu'il retrouve enfin son ami assis au bar. S'il est surpris et pris au dépourvu par ce corps, pourtant familier, venant se blottir contre lui, il n'en laisse rien paraitre et c'est avec délicatesse qu'il sert Keishi contre lui, comme effrayé de pouvoir lui faire du mal. Plus qu'il ne s'en fait déjà tout seul. Il est bien trop tôt pour boire, bien trop tôt pour sombrer dans une quelconque liqueur, mais un rire grave et faiblard lui échappa avant même qu'il puisse formuler cette pensée. « Tu m'excuseras jeune con, mais je bosse moi. Je ne fais pas des crêpes en attendant que t'aies besoin qu'on sorte ton joli petit cul d'un quelconque taudis. » répondit-il sans venin, sur le ton de la plaisanterie à peine moqueuse. Malgré la situation, un léger sourire s'étale sur ses lèvres alors qu'il va affectueusement passer ses longs doigts parmi les mèches sombres de son ami. Keishi est fait, mais ce n'est pas la première fois, ni la dernière. Le plus dur maintenant sera de le faire sortir d'ici, lui faire passer le besoin de boire. Parce que s'il y a quelque chose que Caelan a bien compris après ces longues années à le pratiquer, c'est que Keishi, dans son adorable entêtement, est un petit prince qui ne respecte que sa propre autorité. Autorité parfois un peu vacillante à laquelle le jeune CEO n'a pas l'habitude de se soumettre, mais certains diront malgré tout qu'il lui arrive d'être un peu trop indulgent avec son ami. S'autorisant quelques écarts, parfois déplaisants, pour lui faire plaisir. Cette fois, il offrira quelques billets au pseudo-artiste qui couine sans rythme aucun dans son micro, plus qu'il ne pourrait jamais en gagner avec ce genre d'immondices. Quelques billets, pour qu'il la ferme. Purement et simplement. Et lorsque Caelan reviendra s'assoir auprès de son ami, il fera de son mieux pour oublier que ce genre d'attitude est exactement ce qu'il exècre chez les hommes de son genre. Chez les hommes qui pensent pouvoir tout régler en lançant quelques billets.
« J'imagine que tu me paies un verre ? C'est le moins que tu puisses faire après m'avoir fait venir jusqu'ici. » Son ton est taquin, mais ses gestes délicats et dénués de malice lorsqu'il rapproche leur deux tabourets pour permettre à Keishi de s'installer contre lui. C'est donc sur l'ardoise du plus jeune qu'il se commande une bière et fait signe au barman de resservir un verre à Keishi. Il n'en est plus à ça près au final. « A quoi trinque-t-on ? »
Et il est même pas encore 17h...
electric bird.
«Invité»
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Lun 6 Juin - 21:20
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When Earth is drunker than us caelan & keishi.
tenue ++ Jeune con. Voilà bien deux mots qui le résumaient si bien. Ce faux vieillard qui se croyait assez mature pour conquérir l’empire de son père. Mais non, Keishi n’était encore qu’un gosse qui ne s’assumait pas entièrement, qui comptait encore secrètement sur l’autorité parentale, sur la gloire paternel et sur un avenir flou. « Je fais pas de crêpes non plus. J’aime pas ça de toutes… » répondit-il d’un air enfantin, les joues paraissant subitement pouponnes et rosées, telles celles rebondies d’un nourrisson. C’était limite si le roi de ses illusions se mît à ronronner suite aux délicatesses que lui prodiguait Caelan dans ses sombres cheveux. Cette douce tendresse lui était inhabituelle. Ce jeune homme proche de la trentaine, ce bridé à l’accent si noble, qui venait d’un lieu aux paysages si extraordinaire, Keishi l’enviait. Pourquoi ? Sûrement parce qu’il paraissait stable, réellement sûr de lui, il était incroyablement charismatique et il dirigeait déjà sa propre entreprise. En somme, il avait déjà la place de roi, celle que l’héritier convoitait tant. Par la suite, le brun remercia silencieusement son ami d’avoir faire taire de bruit de fond insoutenable.
Verre à la main désormais, son regard se perdit dans la contemplation du liquide ambré. Un soupire las viola ses lèvres qui avaient tout fait pour rester fermées, comme elles savaient si bien le faire d’habitude. En réalité, Keishi n’avait pas envie de parler, comme toujours, seulement l’alcool le désinhibait souvent. Non, ce jeune homme n’était pas du genre à parler de sa vie – ou alors toujours de manière abstraite – mais il se lançait souvent dans des débats philosophiques, un peu perchés, auxquels il ne trouvait jamais la réponse qui assouvissait sa curiosité. « Tu regrettes ? » répondit-il à la demande de son senpai avant de faire un signe au serveur de lui servir ce qu’il souhaitait. « A quoi trinque-t-on ? »répéta-t-il niaisement. « On peut trinquer à la mère de Ryo ? » Pourquoi elle ? Qu’en savait-il ? Mais au moins, ça le fit rire légèrement. Puis Caelan allait comprendre la petite référence.
Néanmoins, alors qu’il allait mettre son verre en bouche, la terre se mit à trembler violemment. La panique commença à se faire sentir dans les alentours. Keishi ne comprenait pas pourquoi tout virevoltait, pourquoi les gens se bousculaient et surtout ce qu’il se passait. Un peu trimbalé par-ci, par-là, il chercha Caelan du regard, toujours aussi hébété. Puis un violent coup de coude dans le ventre le fit se plier en deux avant qu’il ne perde l’équilibre et tombe au sol où personne ne se souciât de lui, le prenant même parfois pour un simple tapis qu’on piétinait sans aucun scrupule. Néanmoins, était-ce l’alcool ou non ? Mais Keishi riait...
electric bird.
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