Un ciel rose orangé ; il est six heures du matin, elle n’était pas supposée être debout aussi tôt. Incapable de rester endormie au-delàs, pourtant ces derniers jours, rien de particulier ne tourmente son esprit, alors il ne devrait pas y avoir de problèmes ; en général, elle reste simplement debout et traîne dans son appartement avant de se décider à sortir. Mais aujourd’hui elle n’est pas chez elle ; non elle a décidé de kidnapper Katsumi et aller chez une amie ce qui n’est pas si différent mais elle ne se sent pas le courage d’arracher au sommeil. Non. Elle laisse aux autres ce luxe qu’elle n’a pas de pouvoir profiter de quelques heures de plus. Avec cette patience qu’elle a rarement, elle s’installe dans le balcon et allume une cigarette. Généralement le silence et elle ça ne colle pas, elle reste concentrée sur la couleur du ciel jusqu’à ce qu’elle se souvienne de l’existence d’un café qu’elle a préparé.
Elle aime bien passer du temps ici ; ce n’est pas le meilleur endroit au monde, mais c’est un peu comme si ; la vue est magnifique et c’est toujours plus calme que chez elle si elle devait faire une comparaison. Elle joue distraitement avec ses cheveux de sa main gauche tandis que ses doigts pianotent sur la tasse de café, attendant qu’elle refroidisse un peu. Laisser le temps passer et puis finalement en oublier l’existence, c’est du Reiko tout craché ça. Elle marche d’un pas tranquille jusqu’à la chambre où elle se trouvait précédemment puis s’étale lourdement avant de lancer d’un ton fatigué ;
Reiko – L’avenir appartient à celles qui se lèvent tôt… Honda Reiko, chapitre un du livre « Kat', bouges toi ».
Elles n’avaient rien de particulier à faire aujourd’hui, c’était une journée tranquille alors elle voulait en profiter. Elles dormiraient quand elles seraient mortes après tout. Elle prend place en tailleurs et saute légèrement pour secouer le lit. Embêter la jeune femme est un passe-temps sans repos et pourtant aujourd’hui ce n’est pas son intention.
■■■ "I have a deeply hidden and inarticulate desire for something beyond the daily life."
Des tâches orangées flottaient dans sa trop grande chambre. Une maison de poupée où elle déambulait habituellement, pâle tel les murs, à la recherche du « temps perdu ». Elle comptait les heures usées, les mots désabusés, les soupirs qui s’échappaient de ses poumons embrumés de nicotine et d’amour ruiné. Katy n’aimait pas tellement son appartement, elle préférait encore le calme habité de la demeure Hasa que celui solitaire et froid de ces lieux blêmes. L’hôpital de ses rêves filants, là où elle peignait de son regard gémissant une voute céleste défraichie. Une langueur colorant ses paupières astrées, une rosée alcoolisée emplissant le creux de ces syllabes qu’elle ne parvenait jamais à formuler. Tout avait été enfoui entre ses côtes résonnantes, et ici, seule, tout rebondissait davantage. L’espace avait coulé entre ses mains, les imprégnant d’un bleu encre qu’elle ne pouvait effacer…elle en tâchait ses feuilles blanches qui jonchaient le sol lorsque les nuits étaient d’une quiétude bruyante. De cette couleur, elle en repeignait l’artifice, écrivant toutes ces phrases qui occupaient son esprit…hantaient son cœur de porcelaine. Des fissures s’agrandissant selon les battements. C’était bien fragile ces choses… Aussi, emplie de médicaments et de liqueur, trainait-elle ses pieds dans ce huis clos qu’elle avait souhaité elle-même. Parfois de petits êtres venaient exploser leurs couleurs dans ce monde bien sombre…Reiko en faisait partie. L’une des rares qu’elle laissait entrer…dont elle se souciait, de ses genoux en papier mâché qui s’amourachaient de l’action…de la vitesse à laquelle sa vie défilée lorsqu’elle courait hors de la réalité. De multiples halos couronnaient son visage bienheureux lorsqu’elle guidait Katy entre les nuages de cotons de son univers acidulé. Elle était telle une rose envenimée dont les pointes endormaient quiconque les touchant…Katy tombait en sommeil sous son influence…du moins jusqu’à ce qu’elle ne remue son lit. Un râle sortit de sa gorge. Katy aimait le matin, lorsqu’il avait l’odeur du café et des croissants chauds. Lorsqu’il était doux et soyeux comme le satin sur lequel elle reposait. Les chauds baisers du soleil écumant sur sa peau lunaire. Le toucher de velours du petit air frais se glissant sous son immense chemise. Mais Reiko n’avait pas la même notion de confort. Aussi faisait-elle tanguer Katy hors de ses rêves nébuleux…nimbant l’obscurité de son esprit, de frêle clarté. «Quelle boute-en-train fais-tu Reiko… » réussit-elle à articuler de sa voix enrouée alors que ses cils battirent la poussière dansant à la lumière du timide astre doré. « On ne t’aurait jamais laissé à la maison ! Ma servante se serait occupée de toi et de tes agitations matinales ! » Dans son palais enfantin, Katy était reine aux mille et une demandes, dont celle d’être débarrassée de tout encombrement superficiel. Elle préférait être seule…paradoxalement lorsque tout ce qu’elle désirait était de refléter dans ses iris la figure d’êtres chers. « Je devrais en faire de même…à moins que tu n’aies préparé ma dose de caféine, dans ce cas on pourrait revoir les clauses du contrat. » Elle se redressa à moitié, son dos appuyé contre ses millions de coussins, faisant enfin face à la demoiselle tempétueuse. Se frottant les yeux, elle ne put laisser échapper un bâillement alors que sa vision pétillait encore de songes nocturnes. Tout avait l’air si différent à une heure pareille…moins vivant, moins tumultueux, comme si le temps s’arrêtait nerveusement…observant lui-même le lever paresseux du soleil d’entre les monts urbains. La ville commençait à peine à grouiller sous elle, la fourmilière s’agitant pour s’adonner à un quotidien aveuglant. Le sien s’était voilé récemment, après toutes les destructions « Veux-tu que je commande quelques douceurs matinales ? Ma servante risque de se faire désirer avant d’arriver me délivrer mes gourmandises habituelles…mais elles valent le détour ! » Elle détourna son regard de la fenêtre où le ciel s’étendait telle de la soie, vers Reiko. Tout était blanc. Le temps lui-même était blanc…s’écoulant sur des champs de marguerites qu’elle n’avait jamais pleinement connue…qu’elle n’avait jamais entièrement parcourue. Elle, si coincée dans son quotidien alarmant…sa petite bulle qu’elle ne parvenait à percer.
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