kisaragii yuuto // and what i loved, i loved alone

yuuto s'obstinait. ses mots perchés dans l’écho étaient voués à disparaître. il en était conscient, même lorsqu'ils les formaient du bout de son crayon et qu'il en usait vivement la mine. il savait que rien ne l'attendait, qu'aucune promesse ne seraient tenues et qu'il ne sera jamais de ces grands auteurs reconnus. il déchire le papier, non pas d'énervement, mais d'insatisfaction. rien ne lui convient jamais, dans cette littérature maladroite qu'il se permet de bousculer. cependant, il ne laisse pas l'énervement atteindre ses idées enflammées. le calme olympien qui forge son être entier ne l'a jamais trahi une seule fois. ses doigts qui s'agrippent au bâton de nicotine qui brûle son intérieur; il poursuit.
personne n'en voudra.
qui pourrait bien lire ça?
ça ne marchera jamais, kisaragii.
abandonnez.
yuuto sourit et reprend son crayon. d'une façon qu'il n'a jamais cherchée à expliquer, il rêve de retranscrire ce que les gens redoutent. il repart de plus belle et détruit le blanc des feuilles qui jonchent son semblant de bureau déjà noyé sous des essais multiples. il veut lier les fantasmes et chanter les désirs, peindre la beauté à travers les verbes et décrire la fascination sous les métaphores. entêté à ne vouloir faire que ce qui lui convient, il n'a pas d'autres manières de faire que de tisser ce rictus en même tant que ses paroles ardentes.
il devient comme le schéma du misérable. celui qui se satisfait des choses les plus infimes alors qu'il pourrait se ciseler un avenir prometteur, celui qui s'étend dans son propre confort sans chercher un tout petit peu plus loin. celui qui stagne, avec une esquisse de sourire sur l'extrémité de sa bouche. l'idiot par choix. dans une vie morne, qui n'a jamais eu d'autres goûts que le tabac froid et l'amer de la déception. mais yuuto veut les couleurs; et il les aura. il le sait. mieux que quiconque - mieux que son père déçu, mieux que sa soeur inquiète. quand il s'échappe et se noie dans les vagues d'encre, et que son imagination l'enlace somptueusement, il sait qu'il l'obtiendra, son monde de lumière. le temps, il le dépense sans trop regarder ses poches. il en a beaucoup, il l'use et repousse les regrets pour un peu plus tard. (j'ai toute la vie pour être heureux.)
son coeur se bouleverse entre les pages de récits qu'il aime tant. fasciné par les réalités multiples, yuuto ne s'entoure que des pensées des autres couchées sur du papier. peu habitué aux confrontations directes avec des esprits, il n'a que les mots pour lui. et ce depuis toujours. en rouillant dans tokyo, et en s'entêtant à y rester jusqu'à y pourrir, il savait que rien ne changerai. tout ce qui lui échappe, tout ce qui fait de lui un perdant - il en est conscient. il sait. et c'est ça qui enrage la famille qui veut le pousser à la réussite.
mais yuuto il veut la mériter, cette foutue réussite. il veut frôler l'envie d'abandonner. et quand il sera mondialement connu, quand il s'élèvera dans la société dont il se moque, il pourra fièrement marmonner un je vous l'avais dit, c'est vous, les idiots.

ses illusions s'atténuent. éclairé par la petite lampe à ses côtés, il remonte ses lunettes sur l'arrête de son nez et tend les lèvres. (juste pour se procurer un peu de soleil.)
reconnaissant la familière et tendre atmosphère de la nuit, il décide de se laisser s'y étouffer, juste ce soir. puis yuuto range précieusement les feuilles criblées de mots dans une pochette, sur laquelle est minutieusement inscrit
"la femme d'à côté".