champagne supernova ((Mikako))

La crème de la crème de la société japonaise, réunie dans une seule salle de gala. Et il est là aussi, Akira, comme renvoyé à ses souvenirs d’enfant, quand il suivait ses parents à multitude de dîners barbants. Toujours à la recherche d’une excuse pour s’échapper, de quelque chose pour s’amuser, s’éloigner de ces conversations qui l’ennuient, pleines d’hypocrisie. Si normalement, Akira peut éviter ce genre de soirées, cette fois-ci tout se déroule à Tokyo, et ses parents sont même venus pour l’occasion - aucune échappatoire, il est piégé.

Blasé, déjà lassé de cette soirée, il cherche un visage familier avec qui la passer, et ne tarde pas à trouver. Mikako, il la connaît depuis déjà longtemps, par le biais de ses parents. Sa chargée de surveillance, comme il l’appelle - dommage pour elle, il semblerait qu’elle ait failli à sa tâche.

Toujours est-il que c’est presque par réflexe, qu’il se dirige vers elle, parce que même s’ils se chamaillent constamment, mieux vaut être avec Mikako que de s’ennuyer fermement. L’habituel sourire aux lèvres, il se plante en face de la demoiselle. Akira, il n’est pas gêné pour un sou - de toute façon, elle n’avait pas l’air en pleine conversation.

“Hey ! J’sais pas toi, mais je m’ennuie ferme, ici. Du coup si ça te tente de traîner avec moi...ça m’occupera.”

L’air de dire qu’elle est le choix par défaut - et ce n’est pas forcément faux, même si au fond, il l’apprécie, aux-delà de leurs chamailleries. Il n’a juste aucun désir de le lui dire, ou même, qu’elle arrive à le lire dans ses paroles, ses actions, ses expressions.

Verre à la main, moue aux lèvres mais sourire aux yeux, il continue à l’abreuver de son éternel flot de paroles, à croire qu’il ne sait se taire.

“Toi aussi, t’as été traînée de force ici ? Enfin, traîné...disons que pour ma part, si j’avais dit non, ça aurait été le scandale de l’année.”

Et un rire cristallin, tandis qu’il avale une gorgée du contenu de son verre - le champagne pétille et ravit ses papilles, plaisir qui a toujours sur le ravir.

Des robes de soirée, du champagne à flot, des rires cristallins qui cachaient les langues de vipères; c’était ton monde et malgré tout ses défauts, malgré toutes les règles non-dites qu’il fallait connaître pour pouvoir survivre dans ce jeu du plus puissant, tu l’aimais. Tu étais le genre de fille à voir le verre à moitié plein alors si vivre autour de vipères prêtes à t’injecter leur poison était le prix à payer pour continuer à vivre dans ce monde luxueux, tu étais prête à le payer. Sans aucun doute. Sans hésitation. Tu déambules parmi les gens, accompagnée de tes parents, participant à des conversations sans intérêts et sans fonds mais tu as l’habitude, tu en as maîtrisé l’art.

Coupe de champagne vide est remplacée par une coupe de champagne pleine et tu sirotes cette boisson réservée aux gens comme toi, aux gens qui se prennent pour des dieux, savourant leur nectar si précieux. Tu te faufiles parmi les gens, t’arrêtant pour t’engager dans des conversations polies, jusqu’à tomber sur une tête connu, un grand sourire sur tes lèvres.

“Akira, tu n’as jamais été un de ceux qui apprécient ce genre de soirée, n’est-ce pas?” Plus une affirmation qu’une question. Tu le connais, il préfèrerait être dans une boîte de nuit plutôt que d’être ici. Tu ne tiens pas compte de sa remarque, comme si tu n’étais que le dernier choix possible pour lui, tu le lui rendrais bien plus tard.
“Je te manque trop, c’est pour cela? Dans ce cas, je n’ai pas assez bien fait mon travail, je tâcherai de veiller plus sur toi à l’avenir, comme ça tu ne sentiras pas ce besoin.”

Tu le taquinais, tu savais que c’était probablement la dernière chose dont il avait besoin mais tu ne pouvais t’empêcher de profiter du pouvoir que ses parents t’avaient attribué, tu aurais été stupide de ne pas l’utiliser.
Tu le suis dans son rire, vous étiez comme chat et chien, une minute à vous entendre à merveille, puis la suivante à vous chamailler sur la couleur phare de la saison prochaine. Pour l’instant, vous étiez dans une bonne phase, mais à quand le crash & burn?
“Contrairement à toi Akira, j’apprécie ce genre de soirée, c’est un moyen pour moi de montrer à toutes ces vieilles peaux la beauté éternelle que je suis et ce qu’elles ont perdu. Dress to depress, ya know?”
Un sourire malicieux, une étincelle dans ses yeux et une gorgée de champagne qui pétille.
“Tu devrais faire de même, montre à ces dames que tu as plus de classe qu’elles, voir leur visage se tordre de jalousie et de haine font partiellement mes soirées.”

Elle a pas tort, Mikako. Ce genre de soirées pour gens bien nés, ça l’a jamais tellement enchanté. Il faut dire qu’à chaque fois, Akira doit y jouer le fils parfait, et même si la comédie fait partie de son quotidien, c’est un peu lassant, de mentir à ce point.
Pour s’amuser, il lui faudrait moins de règle de bonne conduite, peut-être plus de jeunes hommes bien faits, moins de vieilles qui cherchent à le marier. Il fait tintiller les clochettes de son rire, suivies, paradoxalement, d’un petit soupir.

“Non, pas franchement...c’est pas très drôle, si mes parents sont dans le coin, faut que j’ai l’air correct et tout, tu vois ? Puis même, ça m’a jamais franchement branché...ouais, j’me fais toujours un peu chier.”

Pour une fois qu’il peut jouer l’honnêteté - le masque de l’ange, il ne prend même pas la peine de le porter, devant elle. Mikako sait, comment il est, lorsque tout le monde a le dos tourné.
L’air faussement outré, à continuer de l’écouter, peut-être aussi un peu agacé. Comme s’il avait vraiment besoin d’être surveillé. Mais tout de même, les yeux restent amusés.

“Non, merci, ça va aller. Pas besoin d’une enfant pour veiller sur moi !”

Sourire éclatant, pour trancher avec les mots pas franchement charmants. Akira apprécie l’ambiance légère qui se tisse entre lui et sa congénère. Mais tout de même, il attend de voir si les choses vont encore tourner aux chamailleries, aux batailles stupides de gamins qui ont, au fond, pas vraiment grandi.

“J’avoue que j’aime tous vous souffler de ma beauté.”

L’expression aussi modeste que les mots, il se tait un instant, pensif, puis reprend.

“Mais bon...être aussi beau, ça a ses désavantages, tu sais ? Ces dames, comme tu dis, depuis que j’suis arrivé, y en a au moins trois qui ont essayé de me caser à l’une de leurs filles, ou de leurs nièces ou je sais pas quoi. J’devrais leur dire que j’suis gay, ça va tout de suite les calmer.”

Visage blasé, quoi qu’au fond, il est toujours amusé. Au lieu de se lamenter de la situation, il préfère la tourner en dérision. Une gorgée de champagne, encore, et il finit même son verre. Un signe adressé à l’un de ces serveurs en costume trois pièces, pour qu’on lui tende une autre coupe.

“Cela dit, j’aime ta vision des choses ! Faire baver ces femmes parce qu’elles sont moins jeunes et jolies que toi, c’est cruel...mais j’aime ça.”