hasegawa heiji - high by the beach

Le crissement des pneus, terrible. Le feu tricolore. Rouge, orange, vert. Ses yeux hagards, voilés par les litres d’alcool ne voient plus rien, ivre de tout, de la vitesse qu’il aimait tant, à quel point il se sentait invincible, éternel. Sa voiture dérape, devient incontrôlable et le garçon aurait tellement voulu rentrer dans un arbre, un poteau, tomber dans un gouffre. N’importe quoi. Tout sauf la réalité.

Rouge, orange et vert. Les nuances des ecchymoses sur son corps, qui disparaitront de son épiderme, mais dont l’empreinte demeurera pour toujours. Souvenir brûlant sur ses rétines éteintes. Le corps s’était projeté contre le parc-choc, échoué contre le rétroviseur extérieur. Et à ce moment, le visage féminin ensanglanté est apparu, ses yeux ont croisé les dernières lueurs de vie. Corps inerte au sol, il est sorti en vitesse, a voulu tenter l’impossible. Dans les rues désertes, nocturnes, ils étaient seuls. Le premier appel qu’il a fait n’a pas été pour les urgences, non, lâche et idiot, il s’est tourné vers son père, comme toujours. L’homme si grand qui crée des miracles.

Et cette histoire, Heiji n’en a plus entendu parler. Il ne sait pas ce qu’on a fait, on l’a tenu éloigné de tout. On lui a simplement demandé l’oubli, pourtant impossible. L’image lui revient dans les cauchemars, les hallucinations parfois trop fréquentes de la femme souillée en rouge qui le poursuit.

Oublier.

Il faut essayer pourtant, redoubler d’ardeurs. Des mois sont passés depuis l’accident.
Il est l’enfant obéissant, celui qui connait le chemin qu’on lui a tracé et qui le suit. Il aimerait faire autre chose de sa vie mais il n’existe que pour être conditionné par ses géniteurs. Il n’est pas libre mais on lui en donne l’impression, parfois. On lui présente une fille, une du même niveau que lui. On ne dit rien, mais le message passe.

Pourquoi pas ?

Parce que son regard s’attarde ailleurs. Son vœu que le deuil se passe. Parce qu’il est fatigué des yeux sans vie de Shinichi quand il vient pleurer à ses pieds, parce qu’il aimerait sentir de nouveau ses mains qui glissent sur son corps. Péché d’un soir qu’on oubliera, parce qu’il n’avait pas lieu d’être. Ils jouent aux faux-semblants et Heiji se déteste.

Surtout quand les doutes viennent lui bouffer le cerveau. Shinichi. Un prénom.
Et s’il était la cause du mal ?