take me away (minsoo)

C’est le cœur battant à tout rompre que tu as franchi, d’un pas hésitant, le portail du lycée après deux ans d’absence. C’est une boule d’anxiété dans l’estomac que tu t’es assise sur ta chaise, sous les regards inquisiteurs de tes camarades. Tu as cru que tu pourrais le supporter, que tu serais capable de surmonter ce sentiment d’insécurité maladif qui revient te hanter tandis que les minutes passent, mais tu t'es trompée. Ton masque d’assurance s’effrite lentement, l’air commence à te manquer. Les yeux remplis de larmes, tu te lèves en trombe de ta chaise et te précipite dans le seul endroit où tu pourras être tranquille, où personne ne viendra te chercher. Enfermée dans un placard à balais sous la cage d’escaliers, tu attrapes ton cellulaire entre tes doigts tremblants et compose rapidement le premier numéro qui te vient à l’esprit. La tonalité sonne deux ou trois fois, tu ne saurais dire avec exactitude tellement ton esprit est ailleurs, avant qu’une voix familière ne s’élève à l’autre bout du fil. Viens me chercher... Le souffle court, les mots s’étranglent dans ta gorge alors que les larmes coulent le long de tes joues. L’esprit brouillé par la peur et le malaise, tu raccroches sans un mot de plus, ne sachant quoi dire, quoi faire. Il sait où tu te trouves, tu lui as envoyé un sms la veille, toute heureuse de retourner à l’école, pour lui annoncer la nouvelle. Alors tu décides de l’attendre, parce que tu sais qu’il viendra. Tu lui fais confiance, jamais il ne t’a laissé seule dans un moment de détresse. C’est d’ailleurs pour ça que tu l’as appelé lui, et pas quelqu’un d’autre. Ton père ? Ce n’est même pas la peine d’y penser. Il ne serait jamais venu, il n’aurait même pas répondu à ton appel. Ta mère, elle, est sûrement encore en train de dormir à cette heure-là et n’aurait pas entendu son téléphone sonner. Alors c’est son visage qui t’es apparu, sa voix qui a résonné dans ta tête. Oui, tu peux lui faire confiance, il ne t’abandonnera pas.

T’es qu’une fraude. Une blague. Tu te targues d’être quelqu’un de fort et d’indépendant qui se fout du regard des autres et qui vit sa vie comme ça lui chante, mais t’es rien de tout ça. Incapable de réprimer tes angoisses, tu succombes à la peur, tu te laisses emporter par tes émotions. T’es faible. Et tu te détestes pour ça. Cette situation te met hors de toi.
Ton corps est convulsé par les pleurs, ton visage souillé par les larmes. Et t’es recroquevillée sur toi-même, au milieu des balais et serpillères, à fixer ce fin et unique rayon de lumière qui se faufile par l’entrebâillure de la porte et qui transperce l’obscurité du placard. Perdue dans tes pensées, tu te chantonnes un refrain dont le nom t’a échappé et dont les paroles te reviennent dans le désordre, tout ça dans l’espoir d’oublier la situation dans laquelle tu te trouves. Tu ne saurais dire avec certitude depuis quand tu es cloîtrée là-dedans. Le temps passe et les minutes te semblent s’égrener. Alors tu commences à te poser des questions, à te morfondre sur ton sort. Pourquoi ? Pourquoi as-tu pensé que tu serais capable de reprendre une vie de lycéenne normale ? Tout le monde le sait, depuis le temps, que t’as un truc qui cloche, que tu ne seras jamais comme les autres. Alors pourquoi avoir décidé que c’était une bonne idée ? Sûrement pour faire plaisir à tes parents, pour qu’ils arrêtent de geindre à propos de tes activités. Un coup d’œil à ton cellulaire et tu pousses un lourd soupir, le stress t’envahissant de nouveau. Dans l’attente de ton preux chevalier, tu poses ton front sur tes genoux, les yeux clos, et te laisses emporter par cette mélodie qui tourne en boucle dans ta tête.
Ton téléphone se met à sonner, résonnant entre les parois de métal et la porte du placard s’ouvre lentement, grinçant sur ses gonds rouillés. Il est là, enfin là. Tu avais fini par croire qu’il ne viendrait pas, qu’il te laisserait en plan. Mais une fois de plus, tu as eu tort. Les lèvres tremblantes, les yeux embués de larmes, tu le fixes un instant sans mot dire avant de te laisser aller contre lui. Tu retiens un sanglot, heureuse de sentir ses bras autour de toi, de le savoir près de toi. T’en avais besoin, de ce contact réconfortant. Vraiment. J'ai pas réussi... Je sers à rien. Ta voix n'est qu'un murmure, un souffle presque inaudible et tes doigts s'accrochent à ses vêtements, de peur qu'il ne parte sans toi, qu'il disparaisse. Il te faut quelques minutes pour prendre sur toi et regrouper toutes tes forces pour quitter son étreinte et te lever. Du revers de ta manche, tu essuies rapidement tes yeux rougies par les pleurs et serre sa main entre tes doigts. Emmène moi loin d'ici, s'il te plaît... Tu détestes fuir, mais cette vie-là n’est pas faite pour toi. Et tu sais au fond, que cette fois, c’était la dernière. Ta dernière chance. Alors tu veux juste partir, sans un regard en arrière, aller de l'avant, les regrets dans le passé.

et c’est comme si rien ne s’était passé. sa simple présence à tes côtés te suffit pour respirer de nouveau, pour retrouver ton calme. maintenant qu’il est là, près de toi, tout va bien. et tu aimerais que ce soit toujours le cas, qu’où que tu sois ses yeux soient posés sur toi et avec lui, tu pourrais affronter tous tes maux et toutes tes peurs sans difficulté, sans sourciller. il t’arrache un sourire en faisant le con ; un rapide coup d’œil derrière son épaule et tu te rends compte que vous n’êtes plus seuls. quelques élèves et professeurs se pressent dans le couloir, intéressés, choqués, curieux. tête baissée, tu te précipites derrière minsoo pour sortir de cette prison qui t’étouffe, sous cette multitude de regards qui te poignardent de toutes parts.
tu te sentirais presque timide devant la moto qui trône fièrement au bord de la route. hésitante, tu ne sais trop quoi faire une fois le casque enfilé. le rose de tes joues dissimulé sous la visière, tu te hisses difficilement sur l’engin et glisse derrière minsoo. tes bras viennent entourer sa taille, ton cœur bondit dans ta poitrine. ce contact t’électrise, ce contact t’envoûte. tu poses ta tête contre son dos, fermes les yeux et laisses le vent fouetter doucement tes cuisses nues, bercée par le ronron apaisant des véhicules aux alentours. le trafic est fluide à cette heure, il ne vous faut donc pas longtemps pour arriver au centre-ville. posant un pied à terre, un grognement passe tes lèvres tandis que tu remets tes cheveux en place, décoiffés par le casque. cherchant ton preux chevalier du regard, tu sursautes en le trouvant si proche de toi. il touche ton visage, tu te mords la lèvre. s’il savait ce que tu ressens pour lui, il n’agirait pas comme ça, il ne serait pas là. un bref soupir t’échappe, rapidement suivit par un sourire aguicheur. tournoyant sur toi-même, tu prends la pose en lui jetant un clin d’œil. je suis encore mieux sans. un éclat de rire, sa main s’empare de nouveau de la tienne. et tous tes soucis s’envolent. marchant à ses côtés, tu observes les passants d’un regard désintéressé, te laisse guider par sa main ferme, heureuse d'être là et pas là-bas. mais au fond, tu ne peux t’empêcher de penser que tu as peut-être gâché sa journée, ses projets en l’appelant au secours. resserrant les doigts, tu lèves des yeux teintés d’inquiétude sur son visage. dis… si t’avais prévu quelque chose, tu peux me laisser toute seule. je me débrouillerai pour rentrer. ce ne sont que des mots en l’air, pour faire joli, pour être polie. tu ne veux pas qu’il te quitte, pas maintenant. jamais.