glittering gabriel (flashback / eri+kai)

(tenue) ces putains de voix dans ta tête causeront ta mort un jour. tu lâches ton plan sobriété et tu pars te bourrer la gueule. première soirée arrosée depuis un moment. résultat : perdue en ville, téléphone déchargé, la mort à l'estomac, une impression d'être ivre à mourir, doublée d'un manque de sommeil, à cinq heures du matin. (bon, c'est déjà clair qu'aller en cours dans quelques heures, c'est mort, déjà qu’en temps normal tu es la légende de l’absentéisme …)

tu déambules un peu à tokyo, suivant ton sens d'orientation inexistant. tu ne connais pas grand chose de la ville, même si ça fait des mois que tu y es. trop occupée à t'installer, adopter des chats, meubler ton appartement et ton cœur de plantes, essayer de t'intéresser aux cours, "te reprendre en main", tu as dit. c'est un peu la justification que tu trouves à toutes tes actions, ces derniers temps. te convaincre que tu es normale, que tu vas mieux, que tu n'as rien de foiré dans ta vie.

tu finis à meguro, parce qu’évidemment, de tous les endroits qui s’ouvrent à toi, tu choisis la maison de ton ex/fwb/etc, qui fait quelque chose de sa vie, et que tu n’as pas fait chier depuis des lustres. bon, roupiller par terre dans la rue n’est pas si mal que ça, mais tu essayes de te garder un minimum de dignité, entre ta marche en zig-zag et tes fous rires occasionnels.

décor parfait. les maisons qui se réveillent une à une. le soleil qui se lève. la vie ordonnée d'apparence de ces fils de riches. le luxe extrême. les rues vides. puis y'a toi. organisme baignant dans l'alcool. manque de sommeil. légère envie de dégueuler ses tripes.  tu ne devrais vraiment pas être ici. tu as l’impression de briser le calme matinal du quartier endormi. tu te sens à l'écart, tu réalises que ta vie est quand même un peu merdique. alcoolique matinale. sans motivation. fille à chats. pas grand chose de quoi être fier.

dix minutes pour retrouver l'appartement, dans un des immeubles. forcément kai est en train de ronfler quelque part, ou se tuer les neurones à enchaîner des saisons de séries. normalement, si tu arrives à monter sans trop de dégâts, c'est-à-dire ne pas se casser la gueule dans les escaliers, ou foirer le code et finir par déclencher l’alarme, ça ira. tu es choquée comment ton esprit fonctionne encore, alors que ton corps galère à marcher droit. tu ne sais pas vraiment combien tu as bu. tu es shootée de nature, de toutes les façons.

le bip bip bip du code que tu composes. la porte qui se déverrouille. le silence total. première destination : canapé. tu es dead.

t'es une putain de profiteuse. et ça, tu le sais. tu le sais très bien, même.

t'aurais pu finir ta soirée affalée sur ton vieux canapé, zappant de chaîne en chaîne et entourée de plusieurs canettes de bières vides. mais non. à la place de ça, t'avais plutôt suivi tes désirs, ton instinct animal. et tu t'étais invitée chez kai. kai, c'est cette connasse qui a beaucoup trop de chance, à tes yeux. elle est belle, riche, et en plus de ça, connue. le modèle parfait de la femme indépendante qui avait réussi sa vie. et affalée ses côtés, y'avait toi. eri, la défoncée du quartier, la meuf qui finit ses mois dans le rouge, et que les vieux dégarnis connaissent comme étant la jeunette paumée sans réelle éducation.t'es un peu comme une tâche bien crade sur une nappe d'une blancheur parfaite.

elle est injuste. j'veux dire, la vie.

t'as débarqué chez elle à deux heures du matin, comme ça, sous un coup de tête. tu sais très bien qu'elle ne pouvait rien dire. elle ne pourra jamais rien dire. tu la connais assez bien, en fait. t'utilises la confiance qu'elle t'accorde pour te cacher sous ses draps de luxe, pour profiter, juste pour quelques heures, de cette vie à laquelle tu ne goûteras jamais.

pour être une connasse, t'en es une. et de première catégorie, en plus.

tu admires le joli minois de la photographe à tes côtés, tout en faisant en sorte que tu ne te fasses pas remarquer - ta petite fierté en prendrait un coup. tu ne mérites pas une personne aussi généreuse que ça. tu regrettes, un peu. tu regrettes de ne l'appeler que pour lui demander de payer ton loyer. ou baiser. ou lui emprunter de l'argent - que tu ne rendras bien évidemment jamais. tu regrettes un peu beaucoup, même.

et puis, t'entends un bruit. celui d'une porte qui s'ouvre. à cinq heures du matin. la première possibilité qui te vient à l'esprit - ça relève du miracle que tu puisses encore utiliser ton cerveau dans cet état, c'est celle d'un cambriolage. sauf qu'à meguro, c'est impossible. (c'est pas ton chez toi tout pourri)

intriguée, tu décides d'aller vérifier. t'enfiles rapidement la première pièce de vêtement qui te tombe sous la main (un t-shirt, quoi de plus cliché), puis tu tâtonnes,jusqu'au salon.