Nom : Kisami Felix
Chambre : A308
Tentative de suicide Felix avait cinq ans quand il sut qu’il désirait devenir danseur.
Né un soir d’hiver dans la magnifique ville de Moscou, d’un vieux couple mixte, entre un diplomate japonais au visage fermé, et une danseuse trop vieille, devenue professeure au palais du Bolchoi.
Pour Felix, sa mère était l’équivalent d’une héroine. Jamais réellement présente, il n’entendait que parler de ses exemples au travers de la voix douce de sa nanny, qui lui parlait des grands évènements auquel sa mère allaient participer, en l’engonceant dans son uniforme, avant de le déposer dans son école privée hors de prix.
A cinq ans, pour son anniversaire, Felix fut autorisé à accompagner sa nanny et à assister à une représentation du Balai du Bolschoi, dirigée par sa mère.
Ce fut une réelle révélation. Pour lui, les danseurs étaient comme des papillons, virvoletant au gré du vent, le vent étant sa magnifique mère, marchant lentement autour de la scène, les yeux rivés sur chacun des mouvements de ses danseurs, mesurant la justesse de chaque pas de danse.
Felix était fasciné. Fasciné et frappé, et il sut. Il sut que c’était exactement ce qu’il voulait faire. Il voulait que sa mère le regarde avec intêret. Il voulait qu’elle lui offre un de ses rares sourires.
Le jeune garçon avait treize ans quand il sut qu’il n’était pas assez bien. Qu’il n’était pas assez beau.
“Ne souris pas, tes yeux se plissent trop.” “Tiens toi droit” “Ne me regardes pas de cette manière.” “Baisses les yeux.” “Tu es trop gros. Bien trop gros.” Sa mère le regardait. Il savait qu’elle faisait tout cela pour lui, pour qu’il parvienne à ses fins, qu’il devienne le meilleur danse de ce balai. Elle le lui avait dit. Il avait ce qu’il fallait. Il était son fils. C’était de sa faute. Il fallait qu’il travaille plus fort, plus dur, plus longtemps.
Alors il passa son temps à s’entrainer, encore et encore, pour devenir plus fort, plus gracieux, meilleur, encore.
Mais son visage...Son visage, il ne pouvait pas le changer. Il ne pouvait rien faire pour devenir la fille que sa mère avait tant désiré. Il ne pouvait rien faire pour ses joues qui avaient gardé leurs rondeurs d’enfant.
Alors le jeune garçon fit la seule chose qui lui sembla sensée : il refusait de manger. Il refusait de manger jusqu’à ce que ses joues se creusent, et qu’il s’effondre.
Felix avait seize ans quand il comprit qu’il ne serait jamais assez bon.
Il ne cesserait jamais de décevoir sa mère. Il faisait tout de travers, et quoi qu’il fasse pour lui plaire, sa mère refusaient de voir ses efforts et ses progrès. Elle se détournait et lui ordonnait de s'entraîner jusqu’à ce qu’il tombe.
Il s’entrainait jusqu’à ce que la danse ne devienne son pire cauchemar, plutôt que le rêve de sa vie.
Alors un soir, quand il rentra à 23h du studio de danse, il avala les cachets de sa mère.Tous. Sans aucune exception.
Si fatigué. Epuisé.
Le jeune homme se glissa dans son lit et ferma les yeux, étendant ses membres engourdis sur son lit et fermant les yeux, pour ne plus jamais les rouvrir.
“Miroir miroir sur le mur…” Son père le trouva en rentrant de Budapest, et fit la première chose paternelle de toute sa vie. Il fourra ses doigts dans la gorge du garçon et lui fit vomir tous les cachets qu’il avait avalé, en vociférant une adresse aux ambulanciers.
Felix avait vingt ans quand il prit son envol, et de chenilles, devint papillon.
“Votre fils ne pourra jamais être guéri en restant ici et en continuant à faire la chose qui a provoqué sa tentative de suicide. Ce n’est pas sérieux.” Son père lui tendit un billet d’avion pour Tokyo, sans dire un mot. Tout était prêt un sac de vêtements, les clés d’un appartement et un rendez vous avec le directeur du balai de Tokyo. Felix n’hésita pas une seule seconde.
Il comprit, il comprit que finalement, toutes ces années, ce n’était pas lui qui fautait, et qu’il ne trouverait sa voix qu’en repartant dans le pays natal de son père et s’éloignant de l’ombre froide et dense de sa mère.
Il l’embrassa sur la joue avant de partir, et promit de revenir les voir aussi souvent qu’il le pouvait, sans vraiment y croire.
Il avait vingt ans quand Felix commenca enfin sa vie.
Aujourd’hui, Felix vient tout juste de fêter ses 25 ans. Il se sent mieux. Il voit toujours sa psychologue, mais de moins en moins souvent. Il a découvert qu’il pouvait aimer d’autres choses, en dehors de la danse. Il avait appris à aimer son corps, et à accepter que des personnes le trouvent magnifique et désirable. Il avait recommencé à apprécier le sentiment des patins sous ses pieds, et les projecteurs sur son visage.
Il avait 25 ans quand il fit pour la première fois la une des journaux, et qu’il en envoya une copie à ses parents.
25 ans quand il jeta ses cachets dans le feu, pour toujours.