Elle ferme difficilement le coffre de sa voiture à l’aide de son coude ; les bras visiblement chargés. Beaucoup de temps s’était écoulé depuis la dernière fois qu’elle avait vu Isao, elle savait très bien qu’ils ne pourraient pas rattraper le temps perdu et ce n’était pas ce qu’elle tentait de faire mais disons que c’était comme une seconde fête d’anniversaire ; elle aurait voulu passer la veille mais disons que leur responsable n’est pas du genre à négocier, elle l’a su quand elle a refusé à une employée son weekend. Mio était passé au dessus de tous ces problèmes il y a bien longtemps déjà. Elle ne savait pas si ça devait la rassurer ou l’angoisser ; elle n’y pensait plus vraiment dernièrement. Composant à deux reprises le code qu’il lui avait donné par téléphone, elle entre dans l’immeuble et profite de se retrouver dans l’ascenseur pour s’adosser contre le mur.
Puis arrivant bien assez vite à l’étage, elle se contente de pousser la porte déjà ouverte et commencer tout un blabla à propos de la difficulté qu’elle a eu à se garer ;
Mio – Sérieusement, j’ai du faire le tour au moins cinq bonnes f-
Mais quand elle relève la tête, ce n’est pas Isao dont il s’agit, pendant quelques secondes, elle se retrouve là, silencieuse et quitte même la pièce pour sortir de l’appartement. Puis, refermant la porte derrière elle, elle s’assure de bien regarder le numéro sur la porte pour être certaine d’être au bon endroit, espérant s’être trompée d’étage. Seulement c’est le bon numéro ; son cerveau ne semble pas vraiment vouloir l’accepter, même au moment où son coude enclenche de nouveau la poignée. Pas encore certaine de nager en pleine illusion ou avoir franchi le portail de l’enfer, elle ne sait pas encore comment se comporter avec Soren, ce qui emmène à l’options B qui est ;
Mio – Um… Isao ! Isao, Je suis arrivée !
Faire comme s’ils ne se connaissaient pas. Tant de désespoir. Elle hausse le ton pour qu'il se dépêche de descendre parce que lorsqu'il parlait d'être avec un ami, c'était bien le dernier visage qu'elle avait imaginé voir.
Il n'était que de passage le temps d'un ouragan destructeur et désolant. Le lait renversé sur chaque centimètre du sol par un bol subissant une danse effrénée jusqu'à l'heure où Isao se devait de rentrer. Les choses étaient prévues ainsi : il devait remettre en main propre ses deux présents, un peu trop piteusement emballés, et s'en aller ensuite pour lui permettre de passer une soirée romantique avec Hiroki. Cependant face à sa solitude et le manque d'initiative du dernier, il avait prolongé son passage jusqu'à une date indéterminée, le temps suffisant pour remonter le moral au rouquin et marquer son anniversaire d'une croix indélébile. Le dos fusionnant mollement avec le canapé, la télécommande sur le ventre et le t-shirt relevé, Soren cligne plusieurs fois des yeux vers la télévision et ses éternels dessins-animés. Il souffle sous l'ennuie qui le dévore lentement chaque fois que le libraire le laisse seul plus de quelques minutes et songe un instant futile à aller s'occuper de quelques façons que ce soit avec le reptile qui le fascine depuis toujours. Il se redresse alors et pose le papier vide d'une barre de céréales sur la table basse ; retient tant que possible un cri de surprise qui se meurt dans sa gorge en entendant une voix étrangère qui ne l'est pas tant. « Euh... Sal- » Il ne peut terminer sa phrase qu'elle s'échappe déjà. Et si la situation peut se montrer à la fois cocasse et tragique, le malicieux ne peut s'empêcher de rire bêtement. Il n'aurait jamais imaginé une telle chose et, surtout, a déjà oublié tous les messages qu'il a envoyé à Isao et Mio à propos de l'un et de l'autre. La poignée s'abaisse et sa curiosité le dévore. Il entrouvre la porte avec elle pour placer son visage face au sien, un coude appuyé contre le mur dans une posture bien trop clichée pour se montrer charmeuse. « Isao est occupé mais moi je suis dispo si tu veux ! Qu'est-ce que tu fais là ? Je te manquais déjà, tu m'as géo-localisé ? » Le sourire badin dessiné sur ses lèvres pleines, il lui adresse un clin d’œil puéril avant de se retirer de l'entrée pour accueillir les choses avec un sérieux nouveau et nécessaire. « Je pensais pas te voir là. C'est assez... inattendu. » Et bien qu'avec du retard, certaines liaisons et quelques chemins commencent déjà à trouver une issue dans son esprit, liant événements et noms entre eux pour laisser une moue songeuse et blême sur son visage halé.
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