C'est le grand soir, comme on dit. Un de ces nombreux grands soirs où j'ai prévu de sortir ma guitare, de m'installer sur une petite scène dans un bar parfois pas trop rempli, parfois trop rempli. On verra pour cette nuit. Cette nuit, prévu de gratter les cordes de mon instrument, de jouer des accords que je connais sur le bout des doigts, un peu plus d'une heure. Une heure et de nombreuses minutes de plus pour s'évader, s'enfermer dans un monde de musique fait de mots et de notes. S'isoler, isolement musical. Seul avec le public, le public seul avec l'artiste. Avec les artistes, toute cette soirée nous sommes deux sur scène. Le patron m'a proposé une date et moi j'ai proposé une date à Charlotte, la belle américaine.
Je regarde l'heure, bientôt l'heure de se mettre en route. Ma guitare accordée, j'attrape des cordes neuves, on ne sait jamais. Je range ma boite à rythme, celle qui m'accompagne souvent aussi, même si ce n'est qu'une machine. La guitare sur le dos, la boite à rythme bien rangée, jean noir troué au niveau des genoux, chemise et perfecto, c'est parti. Je suis parti, l'appartement fermé à clefs, je pars retrouver Charlotte. Se trouver dans la rue où on travaille, comme point de repère. Comme point de départ parce que le bar n'est situé qu'à quelques rues plus loin.
Je l'aperçois de loin, me rapproche d'elle et la salue. Je lui demande si elle va bien. « Alors, prête ? » je lui demande en nous mettant en marche. Je reprends la parole pour lui expliquer le programme, d'un ton rassurant. « On va arriver une petite heure avant le début, de quoi s'installer, faire les balances, s’entraîner sur une ou deux chansons si tu veux, et surtout manger. » Quoi ? C'est important. « Tout est offert et si t'as soif dans la soirée, n'hésite pas à demander. » Je marque une pause. Je réfléchi à ce que j'oublie mais je pense avoir tout dit. « Ils sont tous super sympa là bas, tu vas passer un bon moment, promis. » Je rajoute avec un petit sourire au bord des lèvres. J'ai hâte, hâte de partager la scène avec elle, de partager avec le public. Hâte de partager.
Combien de temps est-ce que cela fait que je ne suis pas montée sur une scène ? J'étais encore en Amérique, à l'époque, et je n'avais pas le style actuel dans lequel je vais me présenter à Izô et au public ce soir-là. Grâce à lui, j'ai pu retrouver ma passion, le chant, et j'apprécie les fois où il joue de la guitare. Cela me permet de m'évader, de retrouver un peu mes racines et de savoir d'où je viens, finalement. Vêtue d'un short en cuir, d'un haut blanc, d'une paire de chaussures dorées et d'une veste légère, j'ai laissé mes cheveux bruns détachés et me suis maquillée de manière dite « naturelle ». Je ne veux pas paraître trop quoi que ce soit, alors la simplicité, pour ce soir-là, me plait bien. Quoi qu'il en soit, même de façon générale, je ne suis pas vraiment le type de fille extravagante.
Verrouillant la porte de ma chambre étudiante, je dévale les escaliers en enfonçant mon téléphone portable dans mon sac. Je sais où je dois me rendre et c'est le plus rapidement possible que les transports me le permettent que je m'y rends. Cela ne fait pas bien longtemps que je suis ici, à Tôkyô, mais je commence doucement à comprendre le fonctionnement de cette ville immense et à m'y faire une place. Les Japonais n'apprécient pas tant les étrangers... et j'en ai déjà fait les frais auparavant. Néanmoins, là n'est pas la question puisque je retrouve le jeune homme dans la ruelle que nous connaissons bien. Bon, apparemment, je suis arrivée la première, mais ce n'est que quelques minutes plus tard qu'Izô arrive à son tour.
« Je suis un peu stressée je lui avoue. Je ne suis pas sûre que je pourrais avaler quelque chose, mais je ferais de mon mieux pour ne pas avoir le ventre vide. »
Je lui adresse un sourire en l'écoutant me parler de l'endroit qu'il connaît. Pour ma part, ce sera la première fois, mais mon ami me met en confiance et j'ai déjà hâte de m'entraîner un peu avant l'heure de la représentation. D'ailleurs, nous ne tardons pas à franchir les portes de l'établissement en questions, nous allons nous présenter au patron du lieu afin qu'il nous permette de commencer à nous installer. Entre deux paroles, je ne peux m'empêcher de lancer un coup d’œil rapide dans le bar, me demandant si nous aurons beaucoup de public. Mais bon, peu ou beaucoup, l'effet que cela aura sur moi sera le même.
« Tu es souvent venu ici ? j'interroge Izô. J'espère qu'en voyant une américaine ça ne va pas les refroidir », je ris sous cape.
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