fly ~ kaede + nobuo

L’habitude, c’est presque ce qui définit un homme. Le fait qu’il ne puisse pas partir du travail sans sa musique par exemple, le fait de toujours marcher sur le même trottoir, parce qu’on l’aime bien, celui de s’arrêter devant les cerisiers en fleurs, ou le fait, comme Kaede, de toujours oublier de fermer la poche de son perfecto en descendant du bus. Kaede était terriblement innocent et naïf. Le problème de ce genre de personne, c’est que les autres en abusaient, parce qu’ils ne sont pas aussi naïfs ou purs, alors Kaede avait fait de son innocence un atout et travaillait d’arrache pied dans un club d’host. En plus d’être naïf, pur, innocent et gentil, Kaede était aussi maladroit, au point de faire tomber son portefeuille dans la rue, en se rendant à son travail. En sortant du bus à Shibuya, le petit portefeuille était tombé dans la rue, sans que Kaede ne le réalise, ce n’est qu’arrivé à son travail, dans le vestiaire qu’il constata la perte de l’objet, le blessant presque. C’était pas la valeur de l’objet qui comptait pour lui, ni la somme dedans, (enfin si, un peu), mais surtout le fait que c’était Yuuka, sa petite soeur qui lui avait offert. Kaede le naïf, le naïf optimiste espérait que quelqu’un lui ramènerait en état, quelqu’un d’assez fou pour plus s’intéresser à ses papiers d’identité qu’à sa carte bleue, mais il aurait fallu que ce quelqu’un soit une personne vraiment, vraiment, gentille, ou inconsciente peut-être.

Tu te balades les mains dans les poches dans les rues de Tokyo. T'avais l'impression d'être à contre-temps face à toute cette frénésie. Tout le monde autour de toi semblait se dépêcher, les yeux rivés sur le pavé sans prêter attention à ce qui les entourait. Ils avaient tous le nez par terre, se concentrant sur leur propre bulle alors que toi, t'étais plutôt du style à avoir le nez en l'air, à regarder le bout de ciel que t'arrivais à apercevoir entre deux grattes-ciel, à observer les gens autour de toi et à imaginer leurs vies, te disant que chacun était plus profond que ce qu'il laissait entrevoir. Après tout, t'étais comme ça toi aussi, tu ne laissais voir aux autres que ce que tu voulais qu'ils voient de toi.
Là, tu te baladais lorsque t'aperçus du coin de l'oeil un objet caché près d'un buisson. Sans y réfléchir à deux fois, tu te penches et le récupères, un porte-feuille. À Singapour, ta première réaction aurait été de prendre l'argent sans vraiment réfléchir mais là, tu voulais faire un truc bien pour quelqu'un d'autre, au moins cette fois. T'ouvres le porte-feuille et cherche quoi que ce soit qui puisse t'indiquer le propriétaire.

Tu te retrouvais face à un bâtiment assez classe et t'avais réussi à t'infiltrer à l'intérieur sans soucis. Tu comprenais pas trop ce qu'il se passait devant toi. L'ambiance était tamisée et il y avait plusieurs tables avec des femmes et des hommes plutôt pas mal, tu ne pouvais pas le nier. Tu te demandais où est-ce que t'avais atterri, oubliant un instant le porte-feuille dans ta main. Là, tout ce que tu voulais faire c'était de t'asseoir à une table et parler à quelqu'un, juste pour voir ce que ça faisait, ça avait l'air sympa. Seulement, t'avais pas vu le vigile qui t'avait repéré et qui s'avançait d'un pas menaçant vers toi. Apparemment, t'avais pas ta place là. Tu levais les mains en l'air par réflexe. "Je suis là pour voir..." T'avais oublié son nom, pile le bon moment pour ça. "Mari Koede...Mari...Mori! Mori...Ki...Ku...Ka...Kaede! Mori Kaede! Je suis venu pour lui!"

Ce soir là, Kaede avait rendez-vous avec une certaine Mariko. C’était une femme assez difficile mais aux moyens très aisés, mais même avec les 30 d’écarts elle l’avait choisi lui. Kaede la traitait le mieux possible, parce que sans le savoir, Mariko payait les études de Yuuka et Akane. Biens sur, personne ne savait pour l’emploi de Kaede. Ses parents étaient aussi naïfs que lui et pensaient qu’il était un très bon serveur et se faisait énormément de pourboires. En réalité il n’était qu’un bien de consommations, un objet pour ces femmes en mal d’amour et d’attention. Ce n’était pas ce pourquoi il était fait, pas vraiment. Mais il se promettait sans cesse qu’un jour il aurait assez d’argent pour quitter ce job et en trouver un moins… dégradant? Pour lui en tout cas. Le problème c’est qu’avec la perte de son portefeuille, c’était une semaine de salaire qui s’était faite la malle, et 60000 ¥ perdus dans la nature, ça déroute. Encore perdu dans ses pensées, discutant vaguement avec Hikaru près du bar, un gringalet l’air paumé entre, plus concentré sur les lumières visiblement que sur le fait qu’il n’était pas autorisé ici. Pas maintenant. Koji, le vigile n’a pas autant réfléchit que Kaede et lui est s’est précipité vers le type. De loin, Kaede l’observe balbutier, sans vraiment comprendre ce qu’il dit, jusqu’à ce qu’il entende son nom. Ça sentait pas bon. Ça sent jamais bon quand vous êtes host et qu’un autre type arrive en vous demandant. Prenant une bouffée de l’air chaud et moite de la salle, Kaede devient Shuuji, l’hôte plein d’assurance et de répartie, prêt à encaisser le moindre coup si l’autre type - maigre qu’il était - décidait de le frapper. Il avance lentement, le pas assuré, mais la peur au ventre vers le jeune homme. « Erm. Bonsoir monsieur. Je suis Kaede. Il y a un problème? » Kaede était si frustré, à vrai dire, qu’il avait oublié qu’il ne courait aucun risque. Le gringalet l’avait appelé de son vrai nom, pas de celui qu’il utilisait avec les clientes. Peut-être qu’ils se connaissaient, ou que l’autre ne connaissait pas le pseudonyme de Kaede. Il était tellement tête en l’air que si il avait déjà rencontré le jeune homme, il ne s’en rappellerai surement pas à vrai dire. « On se connaît? » Il essaya, l’air confiant, de sourire, bien qu’au fond, il regrettait que sa curiosité et l’habitude de son vrai nom l’aient poussé à aller voir le jeune homme.

Tu savais pas trop où t’avais atterri mais vu la gueule que tirait le vigile, tu te doutais que t’avais pas ta place ici et pourtant, ça te dérangerait absolument pas de faire un petit tour des lieux et de poser tes fesses sur un de ces canapés. Le certain Kaede s’approcha de toi et tu remarquais qu’il n’était pas totalement à l’aise face à toi. Avec du recul, tu te dis que c’était compréhensible; qui se ramenait au lieu de travail d’un inconnu et clamait vouloir le voir? Kaede avait toutes les raisons du monde de vouloir émettre des doutes tu voulais vite lui faire comprendre qu’il n’avait rien à craindre surtout lorsqu’il émit qu’il ne te connaissait pas, le vigile se rapprochant dangereusement de toi pour te faire dégager sans plus attendre. Sous la panique, tu mis ta main dans ta poche et en sortit non sans difficultés le porte-feuille que tu avais trouvé par terre plus tôt dans la journée. “Je suis venu pour vous rendre ça!” Tu présenta le porte-feuille bien en évidence, comme pour montrer que tu n’étais pas un creepy avec des intentions louches. “Je l’ai vu par terre il n’y a pas longtemps et j’ai décidé de le ramener!” Tu fit un sourire comme si t’avais gagné un marathon en voyant le vigile grommeler avant de reculer, décidant que tu n’avais rien de dangereux, que t’étais juste un gosse naïf pour rapporter un porte-feuille avec le contenu intact. “Je me suis dis que ça doit faire chier de perdre son porte-feuille du coup, j’ai regardé dedans pour trouver une adresse, c’est pourquoi je suis là.” T’étais tout content de ta bonne action de la journée puis tu regardais de nouveau autour de toi. “Ça à l’air sympa comme endroit, tu crois que je peux m’assoir quelques minutes moi aussi?”

Le gars qui attendait Kaede ressemblait à un gosse. Il avait l’air un peu perdu, un peu perché, comme si il vivait au dessus de ce monde, un peu comme Kaede quand il sortait de son rôle d’hôte. Il était à peu près de la même taille que Kaede, brun, avec les yeux qui tournais autour de la salle, scrutant ce qui l’entourait. Koji s’approchant dangereusement de lui, le gosse sort un portefeuille de sa poche. Pas un portefeuille. Son Portefeuille. « Je suis venu pour vous rendre ça! Je l’ai vu par terre il n’y a pas longtemps et j’ai décidé de le ramener ! Je me suis dis que ça doit faire chier de perdre son porte-feuille du coup, j’ai regardé dedans pour trouver une adresse, c’est pourquoi je suis là. » Les yeux de Kaede s’écarquillent. À la fois reconnaissant qu’on lui apporte son portefeuille, et surpris de la gentillesse, voire innocence ou ultime naiveté du jeune homme. Quel genre de gosse, qui tombe sur un portefeuille plein à craquer le ramène à son propriétaire son rien prendre sérieusement? « Merci beaucoup, c’est vraiment adorable de ta part ! » Tout de suite, Kaede est bien plus détendu, bien plus calme, toute son anxiété depuis la perte de son portefeuille quittant peu à peu son corps. « Ça à l’air sympa comme endroit, tu crois que je peux m’assoir quelques minutes moi aussi? » Un petit rire s’échappe vaguement de la bouche de Kaede. Pas un rire méchant. Pas un rire agressif. Un rire doux, calme, apaisant, un rire d’ami. Il obtient comme une réponse aux questions qu’il se pose. Ce n’est pas juste de la gentillesse, c’est surtout de la naïveté, ce gosse n’a surement jamais du venir dans un club d’hôtes. « Bien sur, tu veux boire quelque chose? » Kaede l’emmène à une table, la salle étant presque vide en journée, le vigile s’éloignant enfin du gamin paumé, qui rappelle un peu à Kaede sa propre douceur.

Tu remarques que Kaede a changé de comportement, il semble plus détendu maintenant qu’il a décrété que tu n’étais pas un gars louche qui voulait le tabasser ou saccager cet endroit. Toi-même tu te sens plus détendu maintenant que le gars de la sécurité te lâche pour aller plus loin. Tu t’étais pas rendu compte mais t’avais été nerveux depuis qu’il te fixait, prêt à te foutre dehors dès qu’il en aurait eu l’occasion. Toi et les vigiles, vous ne vous êtes jamais aimés, t’as plus passé ton temps à leur échapper quand t’étais à Singapour qu’autre chose. Depuis, t’avais l’impression que tous les vigiles du monde s’était fait passé le mot comme quoi Ôta Nobuo était un petit merdeux qui fallait arrêter dès qu’on le croisait quelque part. En bref, t’étais pas serein en leur compagnie mais tu faisais de ton mieux pour le cacher. Si ton visage le permettait, ton sourire s’étirerait encore plus comme celui du chat du Cheshire.
Tu réagis pas lorsque Kaede rit en entendant ta requête, tu ne savais pas trop pourquoi il riait mais ça te faisait plaisir, cela voulait peut-être dire qu’il n’allait pas te refuser. Effectivement, il t’invita à t’assoir à l’une des tables et tu ne pus t’empêcher de sautiller comme un idiot, exciter de tester quelque chose de nouveau. Tu tournes la tête vers Kaede lorsqu’il te propose à boire. “Euh…du Coca si c’est possible?” Tu voulais pas abuser en demandant autre chose, tu ne roulais pas sur l’or non plus. “Je suis un peu trop excité, je crois pas qu’il y a des trucs comme ça à Singapour, du coup je suis content de tester quelque chose qui semble typiquement japonais.” Peut-être que ça existait à Singapour, t’étais juste tellement dans ta bulle que tu ne t’en serais sûrement pas rendu compte. “Alors, qu’est-ce que tu fais ici?”